Cette fois-ci nous ne bénéficions pas de l'effet de surprise ! Les semaines qui ont suivies le 13 mars, nous avons
suivi pas à pas les prolongations de cette première expérience d'un confinement. Actuellement, lorsque nous
écoutons les annonces du gouvernement nous vivons moins au jour le jour et nous anticipons nous-mêmes la
possibilité d'une prolongation. Cette possibilité sue, la vivons-nous mieux ?
Plusieurs d'entre nous ont la chance d'avoir pu reprendre une vie professionnelle même si elle est ralentie. C'est sans
doute le premier point pour pouvoir accepter les prolongations. Quand le revenu économique est à peu près assuré,
que reste-t-il de difficile à accepter dans ce que nous devinons des prolongations à venir ?
Après l'inquiétude économique, ce qui va être difficile dans cette autre vie c'est la suppression des moments
subjectifs que l'on aime, nos satisfactions à nous, personnelles, dont la vie collective nous offrait ça et là les moyens
: se recevoir, se visiter, les promenades en ville ou ailleurs mais libres, sans limite kilométrique ni horaire, les
activités collectives, sportives, associatives, les prestations de service autour du bien-être, restaurant, cinéma, etc.
Aujourd'hui la fréquentation des espaces publics est restreinte. La durée pour vivre quelque chose hors de chez soi,
même seul, est restreinte. Le déplacement géographique, même seul, est restreint. Il n'y a plus, pourrait-on dire, que
des limites ! Mais en quoi est-ce gênant ? Après tout, nous sommes tous rôdés, habitués, aux limites : dans nos vies
professionnelles, familiales, sociales, étudiantes. Oui, mais dans notre vie d'avant, (espace publics libres, kilomètres
libres, durée libre) nous y trouvions des relations et des espaces-temps de bonheur, des choses, des moments, que
nous allions rechercher car nous les aimions. Toutes ces petites choses qui nous faisaient du bien... Elles nous
nourrissaient peut-être pour supporter le reste. Leur quantité est maintenant très limitée et seuls nos temps à
domicile ne le sont pas. Or nous savons qu'au sein de nos domiciles nous ne pouvons pas revivre à l'identique ce
que nous vivions avant à l'extérieur avec les autres de l'extérieur... Des temps de sport à domicile, en famille ou
seul, oui bien sûr c'est possible, des temps à domicile de lecture, de cuisine, de loisirs créatifs, avec les proches du
quotidien ou seul, oui cela peut être agréable ; mais cela ne viendra pas remplacer les moments de contentement qui
étaient à vivre seulement à l'extérieur. Les temps de vie hors de la sphère privée sont des stimulations nécessaires
aux personnes âgées pour ralentir considérablement la baisse de leurs activités cognitives (mémoire, concentration,
langage, sociabilité des émotions etc.), mais ils sont aussi des stimulations nécessaires aux plus jeunes pour
empêcher les états dépressifs dus à l'isolement, au renfermement sur soi. De même ils sont nécessaires aux actifs
qui par eux évitent les diverses fatigues psychologiques et physiques causées par une diminution des motivations,
notamment face aux contraintes professionnelles à vivre.
Alors que nous reste-t-il à investir dans les relations et les temps extérieurs au domicile, qui puisse encore nous
porter ? La notion du bien commun qui est la raison d'être ce confinement potentiellement durable ! Supporter le
confinement consciemment en se rappelant au jour le jour ce que peut signifier quelque chose comme un bien
commun. La securité de tous, c'est peut-être notre nouvelle relation aux autres et au monde extérieur au domicile.
Si notre histoire personnelle rend difficile l'habitude nouvelle de cet exercice kantien de penser et de ressentir (note
de bas de page : ), un travail sur la violence que représente pour nous ces limites ordonnées au bien commun,
reste possible chez un professionnel. Car finalement nous allons finir par ressentir ce que nous avions plus ou moins
bien vécu, il y a des années, ce que le principe d'autorité parentale, les règles frustrantes, sans que nous ayons bien
compris à l'époque ce dont elles nous protégeaient.
Note de bas de page : Kant voyait la dignité de l'homme dans ce qu'il appelait sa dimension morale. Non pas celle
judéo-chrétienne qui distingue le bien et le mal, mais celle qui croit aux idées générales de la Raison compatibles
avec les bonheurs subjectifs, personnels. Cette dimension morale est pour lui, non seulement la capacité à
percevoir ce qui est nécessaire à tous (bien commun : sécurité financière et sanitaire, le respect de l'autre, le souci
de l'autre, etc.) mais aussi et surtout la capacité à conserver en soi la croyance que ce qui est nécessaire à tous ne
s'oppose pas à nos bonheurs personnels, mais les rend possibles, même si nous ne percevons pas toujours
comment.
Quand les annonces du gouvernement annoncent les prolongations et semblent faire comprendre que ça va être long, comment faire pour supporter ?
« Avoir 20 ans aujourd'hui et construire sa vie malgré la COVID Pourquoi les gouvernements, même ceux du nord, passent par la contrainte plutôt que par l'adhésion ? Est-ce une marque de notre culture judéo-chrétienne ? La notion d'Etat Providence ? La seule manière de faire passer un message ? »
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