Qui protégeons nous avec le masque ? Quel engagement à l'autre avec le vaccin ?

Publié le 22 mars 2021 à 14:37

Distance ou port du masque, nous semblont vivre comme si nous avions le choix entre les deux. Dans un lieu
public, si il y a le masque, le respect de la distance semble pour beaucoup inutile. A l'inverse, dans un cabinet, si la
distance est imposée, plusieurs personnes posent la question de la possibilité de retirer « enfin » le masque. La
protection ne semble pas être vécue comme un souci, mais davantage comme une obligation. Peut-être même
seulement comme une obligation ! Ce qui explique qu'il y ait hâte à lever l'une des deux : le masque ou la distance.
Si il y a l'un je peux lever le pied sur l'autre. Je ne vais pas m'obliger aux deux !!!!!! Si la protection était un souci,
bien plus qu'une obligation, l'élan à cumuler les deux serait visible.
D'où vient que la protection n'a pas pu être appréhendée au-delà de la frontière de l'obligation ?
Dans de précédents articles, a été évoqué le constat selon lequel il était encore difficile de vivre les limites imposées
à nos vies, en ayant à l'esprit la fervente motivation de participer à la protection de la vie de chacun. La difficulté à
convoquer une raison qui excède nos inconforts quotidiens se manifeste par le fait que nous ne souhaitons toujurs
pas ces gestes barrières. Nous devrions tendre vers eux comme un bien, pour soi, pour les autres, alors que nous
continuons à vivre des horaires pénibles, des règles pénibles, etc.
Mais mainteant, après la réflexion sur les limites, nous nous proposons de réflechir à la faible teneur du souci de
notre protéction. Ce qui est différent.
Nous sommes intéressés au confort de nos vies. Nous savons également que la première condition de ce confort est
la santé de nous-mêmes qui seule peut permettre à chacun de conserver sa capacité à travailler en vue d'une liberté
économique et d'apprentissage. Libertés qui elles-mêmes rendent possible ce que nous voulons d'autre, de plus,
dans nos vies. Le problème, paradoxalement, viendrait-il du fait que nous ne nous sentons pas en dangers ?
Il y a toujours un décalage entre la surabondance d'informations qui invitent à une vigilance endurante contre le
virus, et le vécu quotidien d'un hypothétique danger du virus. Peut-être même, parler de danger autour du virus
semble-t-il à beaucoup exagéré ? C'est cet angle de vue que nous pouvons maintenant questionner !
Le masque chirurgical ne nous protège jamais, il ne protège que l'autre. Le masque fait-maison ne protège pas. Or
à l'évidence ces deux sortes sont communément utilisées. Ceux et celles qui les portent sont-ils désintéressés de leur
santé ? Acceptent-ils d'être exposés ? Ne se sentent-ils pas exposés ? Se sentent-ils protégés ? Sont-ils piégés par
les sensations immédiates causées par le masque ? Le masque vécu immédiatement comme écran entre nous et le
monde extérieur, donne cette impression d'être empêché, retenu, bloqué derrière lui et de ce fait « protégé derrière
lui ». Bien sûr être empêché de repirer ou de parler n'a jamais protégé quiconque, mais la sensation d'un écran est
dans notre esprit inconscient associé à quelque chose qui nous sépare de la réalité qui se tient hors de nous et le
virus en fait partie. Cela revient à dire que si nous sommes dupés par la sensation d'écran que nous donne le
masque, c'est que cette sensation peut aller jusqu'à nous faire oublier que le maque chirurgical ne nous protège pas
du virus à l'extérieur de nous. Il ne protège que l'autre et il ne le protège que du virus qui peut être en nous. Nous ne
sommes protégés que par le masque de l'autre et par la distance que nous nous imposons et qui complète cette
sécurité que le masque ne peut pas donner parfaitement.
Si nous avons peut-être méconnu que le masque nous invitait à protéger l'autre plus que nous-mêmes, sommes nous
dans le même paradoxe avec le vaccin ? Bon nombre on choisi le vaccin pour sortir, pour reprendre une vie
normale, pour retrouver à nouveau les relations sociale et les proches. Avec le vaccin, pensons-nous être protégé du
virus qui passerait par l'autre ? Ou pensons nous protéger l'autre de la contagion ?
Lui non plus ne nous assure pas de ne pas être touchés par le virus, il ne nous en protège pas. Il stoppe l'entrée du
virus dans nos poumons, mais il n'empêche pas l'entrée du virus dans notre corps par les voies aériennes. Donc si
l'on tousse on peut contaminer autrui et il peut nous contaminer de la même façon. L'évolution est simple : nous
sommes partis du masque qui protège l'autre et nous arrivons au vaccin qui nous dérésponsabilise de la
protection de l'autre. Alors que va-t-il en être, demain, de notre assiduité à garder les distances pour sauver l'autre
dont nous ne saurons pas si il est ou non vacciné ? Même si nous nous vaccinions tous, quelque chose d'important
risque de disparaître ! Quelque chose que le masque nous a fait découvrir et que nous devons rapidement
comprendre afin de le garder consciemment à l'esprit, avant que nous tombions dans la réification.
La réification désignant la perception qui transforme le vivant, notamment l'être humain et ses pratiques, en ce
qu'il n'est pas, en « un existant réduit à ce que j'imagine en connaître ». Cette réification que nous ferions si nous
disions par exemple : « l'autre est un autre moi-même, juste un alter ego », « il doit certainement être vacciné, tout
comme moi », ou bien « l'autre n'a qu'à se vacciner, comme je le fais ! », « je n'ai pas à faire attention à lui, car il
peut essayer de se protéger comme je le fais ! ».

Si le vaccin nous entraîne à ne plus nous soucier d'autrui, alors nous allons nous méprendre sur la nature d'autrui et
sur son poids dans nos vies. E.Lévinas dans ses ouvrages nous rappelle que « se vivre responsable de l'autre
inconnu », de l'autre que l'on croise, est fondamental pour éviter de tomber dans cette réduction de l'autre à un autre
moi-même. Si je considère que je peux cesser de protéger l'autre parce qu'il serait à même de se vacciner lui aussi,
alors je le considère seulement comme interchangeable avec moi. Je le considère comme un ensemble de
comportements réciproques, son extériorité à moi n'est que spatiale : il n'est plus fondamentalement autre que moi.
Je le réduis à un objet bien saisi, bien compris, il est seulement une copie de moi-même, une petite symétrie. Si
nous perdons de vue que l'autre est avant tout, fondamentalement, « ce que je ne suis pas » (Note de bas de page :
Le temps et l'autre) alors nous entretiendrons ce malaise au fond de nous, voire cette anxiété, qui se révèle de
manière si flagrante dans l'insomnie. Dans l'insomnie nous avons le sentiment de penser comme si nous étions
enfermé seul avec nous-mêmes. Seulement avec soi, sans pouvoir sortir de nos pensées car l'autre ne peut pas nous
en extraire, tellement il semble loin, moins existant que nous. Dans l'insomnie il y a l'expérience d'un« exister seul »
sans fin. Dans cette expérience, nous rappelle Lévinas, nous ressentons la solitude de l'enfermement si il n'y a plus
d'autre radicalement différent de nous et c'est grâce au levé du jour, que nous associons au réveil des autres,
ouvrant sur un devenir avec eux (que nous n'aurions pas avec nous-mêmes), que nous sortons de notre solitude
trop présente et trop pesante.
Alors dans cette campagne de vaccinations, que nous y adhérions ou pas, n'oublions pas que les autres, inconnus ou
familiers, ne sont pas réductibles à une image de nous-mêmes et que cette bonne nouvelle qui est un rempart contre
la solitude, doit être entretenue dans notre esprit par « l'intention de protéction » que nous pouvons continuer à leur
accorder.

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